La Normandie des vrais fromages, "ceux qui ne font pas semblant"

Né et élevé "dans le lait, la crème et le fromage" (ses ancêtres sont collecteurs-affineurs-marchands de fromages depuis 1907...), Philippe Olivier est de ceux qui, dans les années 1970, ont fait bouger l'ensemble de la filière fromagère mise à mal par l'apparition de la grande distribution, la remise en cause du lait cru et la mise aux normes des installations.

Avec la disparition des BOF (ce sigle qui désignait les crèmiers du temps des Halles) est apparu  l'artisan fromage-affineur convaincu que ce sont " les agents naturels (qui) conditionnent la personnalité des fromages et les marquent du sceau indélébile du cru et du territoire" et soucieux de retrouver "la robuste saveur des produits d'antan".

En bon Normand amoureux de sa région et en fin connaisseur de ses trésors gastronomiques, Philippe Olivier publie aux Editions des Falaises  un ouvrage consacré aux fromages de sa région, ces "vrais frometons" au goût authentique, installés dans l'histoire et la tradition locale.

(Photo A.O.C. Fromages de Normandie)

Dans cette Normandie des fromages qui ne font pas semblant (!), on trouve en bonne place les stars de l'appellation A.O.C. Fromages de Normandie: le Camembert (avec son aire d’appellation répartie sur les trois départements de la Basse-Normandie - Calvados, Manche et Orne -, et la frange occidentale du département de l’Eure), le Livarot "à la saveur ample et pénétrante", célébré par Emile Zola dans Le Ventre de Paris comme de ces fromages "teintés de rouge, terribles à la gorge comme une vapeur de soufre", le Pont-Lévêque, connu autrefois sous les noms d'angelon, d'angelot et d'augelot, et qui doit sa saveur particulière au champignon qui participe à son affinage, le monilia candida, et le plus ancien des fromages normands, né dans les années 1030 dans le Pays de Bray, le Neufchâtel.

Derrière ces figures emblématiques de la gastronomie fromagère normande se cachent plusieurs dizaines de spécialités tout aussi ancrées dans le territoire mais plus discrètes car souvent difficiles à trouver hors de la zone de production. Comme le Petit Lisieux cousin du Livarot, le Gauville encore plus rustique que le Livarot mais presque en voie de disparition, le chic Deauville que l'on retrouve sur les tables des restaurants de Cabourg à Honfleur, le Pavé d'Auge qui a beaucoup plus de goût que son petit-frère, le Pont-Lévêque, et que Philippe Oliver recommande de boire avec un Bourgogne blanc, le Gournay en forme de coeur qui -très frais- se vendait autrefois très à Paris sous le nom de Malakoff, le Brillat-Savarin, un triple-crème créé pour le fromager parisien Henri Androuët qui lui donna le nom du célèbre gastronome Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826), le La Bouille, un double-crème de plus en plus difficile à trouver présenté sur une feuille de platane, le fromage de Monsieur Fromage (la famille Fromage est l'une des plus anciennes familles de fromagers du Pays d'Auge -depuis le Moyen-Age !) et qui est un La Bouille en forme de cylindre, le crèmeux du Mont Saint Michel, ou encore le Graval , un très rare double-crème qui ressemble au Neufchâtel, en rond et moins salé.

(D.R.)

L'ouvrage, aux très belles photos réalisées par la food-styliste Maria Greco Naccarato, se termine par la longue liste des fromages "en sommeil" qui, selon l'auteur, pourraient retrouver le chemin des fromageries  si leur production était relancée par quelques professionnels audacieux: l'Aurore, le Cadiau, le Carentan, le Castel, le Carré de Bonneville, le Châteaubriand, le Magnum, le Mignoy blanc, le Rouannais, etc.

Les fromages de Normandie, Philippe Olivier, Editions des Falaises