A Dunkerque, Une très belle table à bord d'un navire historique
Boostée par le tourisme de mémoire qui se développe autour de ses sites historiques, revigorée par la sortie du blockbuster hollywoodien Dunkirk consacré à l'Opération Dynamo de juin 1940, Dunkerque n'en finit pas de re-découvrir son patrimoine et de se dire qu'elle tient là un formidable atout pour son économie locale.
Dernière opération en date, l'ouverture en juillet 2017 d'une belle table bistronomique dans un lieu aussi improbable que dépaysant: le Princess Elizabeth, un navire de la 2ème guerre mondiale transformé en une séduisante aventure culinaire par la grâce et l'énergie épicurienne de 3 entrepreneurs locaux .
Le lieu d'abord: le Princess Elizabeth, un navire 100% british construit en 1927 et baptisé du nom de la jeune princesse (et future reine) d'Angleterre. A ce bateau destiné au simple transport de voyageurs, le 20ème siècle a réservé un sort mouvementé. Dragueur de mines et convoyeur de troupes pendant la 2ème guerre mondiale, le Princess Elizabeth a participé au rapatriement vers Douvres de troupes britanniques encerclées en juin 1940 par les Allemands dans la ville de Dunkerque (ce dramatique épisode du confitl mondial est au centre du film de Christopher Nolan sorti l'été 2017).
Puis après guerre, caboteur entre les stations balnéaires et les villes du Sud de l'Angleterre, décor de tournage de films anglo-saxons (dont Gordon of Khartoum avec Charlton Heston et Sir Laurence Oliver !), pub-casino-cabaret-restaurant sur la Tamise au pied du London Bridge... Avant de se retrouver amarré à Paris pour accueillir diverses manifestations culturelles ou artistiques, racheté en 1999 par Dunkerque Congrès et de s'offrir une nouvelle vie (la plus jolie de sa longue carrière ?) en 2017.
Sélectionnés par un appel à projets de la Communauté urbaine de Dunkerque, Raphaël Hertault, Jérémy Darme et le Chef Jérôme Degrave s'engagent à raviver la mémoire de ce bateau chargé d'histoire en combinant restauration de qualité et promotion de l'économie locale.
Dans une ambiance franco-britannique très années 40, le Princess Elizabeth met donc en musique depuis l'été 2017 une table dédiée au patrimoine régional du Nord et de la Grande-Bretagne, une ouverture au public 7 jours sur 7, sans discontinuer toute la journée -tea-time compris-, une gamme de prix permettant de régaler aussi bien une clientèle familiale et de bureau que les gastronomes, et une "philosophie axée sur le frais, de saison, fait-maison et local".
Ce qui pourrait n'être qu'un slogan traduit en fait un engagement réel de l'ensemble de l'équipe. Les approvisionnements jouent à fond la carte des producteurs de la région, à commencer par la pêche, le meilleur de la pêche fraîche étant à portée de mains grâce à la criée du port de Dunkerque. Mais pas seulement: les légumes et les fruits sont produits dans la région, la viande de boeuf pour le tartare est issue de la race Rouge de Flandre, l'assiette de fromages fermiers est signée Hauts de France, la bière brune arrive directement de la Brasserie des Pays de Flandre.
L'exigence épicurienne et la tentation de l'excellence sont de tous les instants. En cuisine, tout est travaillé sur place le jour même, que ce soitle saumon fumé, les pâtes, les focaccia, les terrines, les pâtés, les pâtisseries ou la pâte à crèpes... Seul le pain déroge à la règle. Les thés du tea-time sont sélectionnés par Catherine Nicolas, sommelière en thé de la maison Dilmah. La cave, qui est encore en cours de constitution avec l'aide de Stéphane Planche, le sommelier bien connu à Arbois dans le Jura, répondra à un objectif fort: "bio et nature".
Côté Champagne aussi, le haut de gamme est de mise, symbolisé par Rich Cucumber, un cocktail-signature autour de Rich, la collection Pinot noir et Meunier de Veuve Clicquot dédiée à la mixologie. Selon l'un des 3 épicuriens à l'origine du projet, "les amateurs de whiskies et de cafés devraient pouvoir assouvir leur passion sur le Princess Elizabeth". Détail significatif: les crêpes Suzette sont flambées devant le client, au chariot, ce qui est devenu très rare dans la restauration hors palaces !
Que ce soit au Menu baptisé 1940 (proposé à 39,45 euros, clin d'oeil à l'histoire locale...) ou au menu du jour, les propositions sont adroites dans la valorisation des atouts de la région, efficaces dans leur réalisation, précises dans leurs assaisonnements ...
Et joliment goûteuses: Maquereaux en trois façons (tartare, goujonette, mijoté au vin blanc), Foie gras mi-cuit au hareng fumé, au sésame torréfié ou à la pomme, Déclinaison autour du Saumon d'Ecosse Loch Fyne (gravlax, au whisky, aux agrumes, ou encore fumé 12 ou 24 h aux copeaux de barils de whiskies), Veau confit au foie gras et jeunes légumes, Tagliatelles ou ravioles fraîches aux écrevisses ou langoustines, Turbot meunière, Tartare de Rouge de Flandre,...
Les fromages fermiers présentés donnent une belle image des traditions régionales nordistes et britanniques: Dôme de Boulogne, Pavé bleu, Maroilles fermier, Bergues, Pavé de Calais, Sablé de Wyssant, Stilton, avec -pour certains- une intéressante déclinaison en trois textures (croustillant, crèmeux et en espuma).
Quant aux desserts et pâtisseries (maison, bien entendu), ils font plaisir à voir et à déguster: crèpes flambées, Yorkshire pudding, baba au rhum... On comprend vite que le pâtissier du Princess Elizabeth sait qu'il a aussi affaire l'après-midi à la clientèle friande de sucré du tea-time.
Les vins sont aussi pointus que les mets sont adroitement mis en oeuvre: un Rouge Carignan Vieilles Vignes 2013 (des Corbières), sans sulfites..., élevé en Bourgogne dans les fûts des Caves de François de Nicolay à Savigny les Beaune, la cuvée Grappe Diem 2016 du Château La Rose Bellevue en Blaye Côte de Bordeaux, un Blanc Malvoisie les 3 Lézards des Vignerons Renou en Côteaux d'Ancenis... Pointu, n'est-ce pas ?
Une adresse rare, où la générosité et l'esprit de partage soutiennent la marche vers l'excellence et qui devrait rapidement devenir l'un des plus jolis attraits du tourisme en devenir dans les Hauts de France.
Ticket moyen 50 euros, mais formules déjeuner à 14,90, 19,90 et 24, 90 euros.