Nos moeurs culinaires croquées par les dessinateurs du New Yorker

Depuis 1925, The New Yorker -magazine emblématique de l'intelligentsia new-yorkaise- doit une partie de sa réputation et de sa notoriété à l'humour décalé de ses cartoons, ces dessins humoristiques pince-sans-rire marqués au sceau du non-sense anglo-saxon.

Dans ce fonds riche de 70 à 100.000 dessins sortis tout droit de l'imagination de 400 dessinateurs, l'écrivain-traducteur-adaptateur Jean-Loup Chiflet pioche régulièrement de quoi nous tendre un miroir sur les petits rien qui font le sel de la vie moderne, au bureau, en famille, à l'hôpital, dans les relations hommes-femmes ou dans les rapports avec les animaux de compagnie.

Dans le volume intitulé The New Yorker, Bon Appétit ! publié fin 2016, Jean-Loup Chiflet a choisi les planches dans lesquelles les dessinateurs du New Yorker s'amusent à croquer nos travers, nos préjugés et nos obsessions vis-à-vis de la nourriture et de la vie à table. Tout fait ventre pour ces dézingueurs des modes, tendances et autres lubies citadines en matière d'habitudes culinaires: les repas en famille ou en amoureux, les pauses-café et les déjeuners sur le pouce, les dîners chics et les repas d'affaires, les accros à la tendance vegan et les indéboulonnables dévoreurs de viande. Sans oublier les animaux, ceux qui finissent dans nos assiettes comme ceux qui voudraient bien échapper à ce triste sort...

S'en dégage un parfum d'absurde que Jean-Loup Chiflet définit comme "une espèce de monde à l'envers qui n'est jamais remis à l'endroit et désamorce les scènes du quotidien". Comme cette vache croquée par Mort Gerberg qui déclare au paysan qui la traie qu'elle va "partir en vacances les deux premières semaines d'août". Ou comme ce boucher qui explique à sa cliente -dans un dessin de David Sipress- que "C’est du porc, Madame, la viande du cochon. Ça remplace très bien le tofu". Ou comme cette cliente d'une agence de voyage dessinée par Donald Reilly qui voudrait un séjour en France à "1.500 calories par jour"...

Les moments de bravoure sont légion dans ce recueil: la bénédiction des pâtes à la trattoria du Vatican, l'arrivée du réparateur de lasagnes, le client qui commande des frites al dente ou celui qui ne trouve rien à redire au menu mais a juste besoin d'un "petit peu d'attention" du serveur, l'enfant qui fait un repas au ketchup, l'addition que le serveur présente sur son "lit de polenta"... Un régal d'humour et de causticité !

Après une carrière dans l'édition chez Hachette International, Jean-Loup Chiflet a publié en 1979 La Théière de Chardin puis Antigone de la nouille. Son ouvrage le plus connu est Sky my husband ! Ciel mon mari ! publié en 2004 dans sa propre maison d'édition, Chiflet et Cie.

The New Yorker, Bon Appétit !, Jean-Loup Chiflet, Editions Les Arènes