Les recettes de Toulouse-Lautrec, dit Monsieur Momo

De son ami d'enfance Henri de Toulouse-Lautrec, Maurice Joyant -qui fut à la fois le mécène, le premier collectionneur, le critique et le marchand du peintre- disait qu'il était un "gourmet émérite et maître queux tyrannique". Lui-même grand chasseur et amateur de nourritures terrestres et de bonne chère, il publia en 1930 (près de trente ans après la mort du peintre) "La cuisine de Monsieur Momo, célibataire", un ouvrage iconoclaste, farceur et co-signé par le peintre.

A travers 200 recettes éclectiques qui semblent avoir été picorées dans des dîners chez Lautrec ou chez des relations (que les auteurs présumés en soient vraiment à l'origine ou pas...) s'expriment à la fois un appétit débridé pour le mode de vie, les plats, les boissons du Montmartre canaille de la Belle Epoque, et un solide attachement aux valeurs culinaires de leur province natale du Sud-Ouest et à de nombreuses autres pépites gastronomiques du terroir français. 

Dans la réédition qu'en ont publié les Editions Menu Fretin en 2011, le chef Antoine Westermann (Drouant) a ajouté  une trentaine de plats comme la Soupe d'huîtres, la Cocotte de légumes au lard fumé, le Dos de morue fraîche rôtie, la Galette d'anguille aux pommes de terre, le Consommé aux quenelles de moelle ou le Tartouillat aux pommes (inspiré de la tarte des soeurs Tatin) et le Baba au rhum.

Histoire pour le lecteur-gastronome du 21ème siècle de s'inspirer selon l'humeur du moment des Saumons, truites et morues cuits sous la cendre (une recette que l'auteur nous dit avoir recueilli auprès de Schroder, chasseur de phoques au Spitzberg !), du Filet de marsouin en daube (hérité d'après Joyant du Gouverneur de l'Afrique occidentale française !),  de la Bécasse au porto (de Jacques Loysel, du Château La Vallière en Touraine), de la Poule au riz -plat préfêré de la danseuse andalouse Dona Micaela-, d'un Pâté de lapin artificiel (sans lapin mais à base d'escalopes de veau marinées aux épices) dont un docteur membre de l'Académie de médecine lui aurait livré la recette, ou encore de la Palombe rôtie, plat signature de la Comtesse Adèle, la mère d'Henri.  

Quant à Momo (le peintre lui-même), ce sont les recettes du Veau Marengo, de la Salade de pissenlits, de la Bourride bordelaise et des Pigeons ramiers braisés et farcis aux olives qui s'ajoutent, grâce à cet bel ouvrage épicurien et fantaisiste, au formidable héritage artistique que Monsieur de Toulouse-Lautrec a laissé à la postérité.

                          La cuisine de Monsieur Momo, Maurice Joyant et Henri de Toulouse-Lautrec, Editions Menu Fretin