Gilles Pudlowski célèbre "le sens de la tradition frotté à l'air du temps" de la cuisine en Alsace
Quoi de plus naturel pour célébrer l'Alsace que de se rendre Chez Jenny, "LA" brasserie alsacienne de Paris ? C'est dans un salon orné des très belles marqueteries de Paul Spindler que le critique gastronomique Gilles Pudlowski a récemment présenté les deux ouvrages qu'il consacre à la gastronomie de cette province de l'Est, joliment illustrée par des images de son complice de toujours Maurice Rougemont. Une province qui, selon lui, "ne ressemble guère à une autre" et dont le nom évoque "fidélité, racines, art et joie de vivre".
Dans le tome consacré à L''Alsace Nouvelle vague, Pudlowski a sélectionné 22 chefs d'une avant-garde jonglant avec les étoiles, usant des produits de tradition, soucieux de retrouver le goût d'avant avec des techniques d'aujourd'hui. Et ce, qu'ils officient dans les cuisines de tables reconnues comme des valeurs sûres ou qu'ils aient décidé de jouer "la fusion, parfois la tradition allégée, parfois encore la création mesurée ou personnalisée avec éclat".
C'est l'occasion pour Pudlo de rendre hommage à quelques oubliés du Michelin, dont Michel Jaeckel, 22 ans de maison à Saverne dans un "Staeffele d'exception" où l'on se régale d'une sole braisée au bouillon de crevettes grises et son accompagnement de sushis de champignons avec algue nori et riz gluant à la japonaise. Ou de saluer Babette Lefbvre, la seule femme étoilée d'Alsace, précurseur de par ses origines de la cuisine fusion (la mère de Babette est née au Viet-nam mais elle-même a vu le jour à Sidi Bel Abès...) et qui depuis un quart de siècle à la Cambuse, au coeur de la Petite France à Strasbourg, sert une "cuisine de voyage où la mer tient le premier rôle". Ou de citer avec gourmandise quelques pépites d'une Alsace sans chichi, dont le breton Jean-Yves Leroux, installé le le long du canal des Houillères à Altwiller, est l'un des dignes représentants avec sa cuisine locavore (mise en place avant que ce soit à la mode...) qui le classe sans doute comme le "meilleur rapport qualité-prix de France".
Les grandes tables bien connues de la région ne sont pas oubliées, qu'il s'agisse du Buerehisesel, où le fils Eric "ne se montre pas indigne des trois étoiles de son père" Antoine Westermann ou du Crocodile, où Philippe Bohrer, en digne successeur d'Emile Jung, fait montre, avec son chef Ludovic Kientz, d'un remarquable "sens de la tradition frotté à l'air du temps".
Côté Tradition, Pudlo salue l'Alsace des winstubs, tavernes et auberges, ces "temples esthétiques, gourmands et populaires de l'art de vivre" et "conservatoires du savoir-manger et savoir-boire locaux", devenus avec le temps "des repaires de l'authenticité" ...même si, il faut bien l'avouer, "les choses ont changé depuis 30 ans". Toute l'Alsace gourmande, "celle qui aime les traditions et s'en délecte" est représentée dans ce deuxième tome: Traenheim (le Lojelgücker), Blienschwiller (le Pressoir), Strasbourg (Kammerzell). Du nord (la Rosselstub de Lembach) au sud (la Metzgerstuwa à Soult) et au centre (le Pont Pichet à Sélestat). Bref, comme le dit l'auteur, "l'Alsace qui mange sans perdre ses repères trouve là ses marques".
Nul doute que le visiteur venu d'ailleurs (c'est à dire du reste de la France ou d'au delà les frontières) trouvera dans ces deux recueils empreints d'empathie de quoi alimenter son envie d'Alsace et de belle et bonne cuisine.
Alsace Nouvelle vague et Alsace Tradition, Gilles Pudlowski, Editions Ouest-France