"Un bon dîner, le derrière bien calé sur une bonne chaise"... Hollywood dans les années 1940 vu par Jean Renoir
Installé aux Etats-Unis depuis janvier 1941, le cinéaste Jean Renoir s'efforce de convaincre le milieu hollywoodien du cinéma de le faire travailler comme metteur en scène sans attendre de lui qu'il se conforme au cadre contraignant des grands studios. La partie n'est pas facile pour l'auteur inspiré de La Grande Illusion et de La Chienne...
En attendant, Renoir profite dans les années quarante des agréments de la vie à Hollywood, qui contraste fortement avec les difficultés que rencontrent ses compatriotes restés dans une Europe s'enfonceant dans la guerre.
Dans la biographie qu'il a consacré en 2013 au "Patron" (le surnom qui restera à Jean Renoir dans l'univers du cinéma français), Pascal Mérigeau raconte que, s''étant lié d'amitié avec Albert Lewin, dont la personnalité tranche dans le cinéma américain de l'époque par sa culture et son amour de l'art, Renoir participe aux dîners que celui-ci donne avec sa femme Mildred dans leur maison de Santa Monica.
Subjugué par l'éclat de la compagnie, où l'on croise fréquemment Man Ray, Max Ernst et Anita Loos, ainsi que par la bonne chère qui y est dispensée ("Champagne français, caviar russe, foie gras authentique, sans compter un amour sans retenue pour l'ail, ce qui est bien agréable"), Jean Renoir est aussi plus à l'aise avec les traditions de table héritées du Vieux continent qu'avec les moeurs californiennes: "Moi, je n'aime pas beaucoup les parties, en étant resté à la vieille idée qu'un bon dîner, le derrière bien calé sur une bonne chaise devant une belle nappe blanche et avec de la valetaille qui vous change les assiettes et vous remplit votre verre, ça vaut mieux que d'être assis sur un pouf en tenant son assiette en équilibre".
Jean Renoir, Pascal Mérigeau, Editions Flammarion