Auguste Escoffier, Génial inventeur de la gastronomie moderne
Pour le Chef Thierry Marx, ce précurseur ne doit pas être enfermé "dans le ghetto des gardiens de la tradition". Si Auguste Escoffier fut toute sa vie un "moderne", "il s'opposait à toute opposition entre tradition et innovation". "Il serait absurde de prétendre fixer les règles d'un art, alors que tout se modifie et se transforme", écrivait-il.
Dans le livre Auguste Escoffier, La vie savoureuse du roi des cuisiniers qu'elle publie à l'automne 2019 aux Editions Flammarion, la productrice de télévision Elodie Polo Ackermann raconte le parcours de celui qui incarne -avec Vatel, Carême (et désormais Bocuse ?)- la gastronomie française.
Né à Villeneuve-Loubet en 1846, "ce fils de forgeron que rien ne prédestinait à la gloire a véritablement révolutionné la gastronomie par une créativité sans limites. Plaidant pour une cuisine simple et inventive qu’il érige au rang d’art, il a inventé l’univers de la restauration, repensé la composition des plats et l’organisation des cuisines, jusqu’à la tenue de travail de ses brigades".
A l'Exposition culinaire de Londres, 1899
C'est sa rencontre avec César Ritz qui va faire basculer sa vie et faire de cet "honnête cuisinier" le "génial représentant de sa profession". César Ritz est un homme d’affaires avisé, qui va façonner le palace des temps modernes et permettre à l’art de vivre à la française de devenir la référence du luxe et du bon goût.
Son indéfectible soutien donnera à Escoffier l'opportunité et les moyens d'ancrer la gastronomie dans la modernité et de transformer l'art empirique de la bonne cuisine à la française et le savoir-faire des métiers de bouche en un artisanat industriel de luxe connu et apprécié dans le monde entier.
Un dîner au Ritz, Georges Jeanniot (1908)
La notoriété de cet homme au grand cœur, ami des artistes de son temps -de Zola à Sarah Bernhardt ou Réjane- reste liée, aux yeux du grand public, au succès de ses recettes et à cette belle idée de dédier ses créations à des personnalités, en particulier des stars féminines. Qui ne connaît aujourd’hui ses pêches Melba ?
"Madame Nellie Melba, grande cantatrice de nationalité australienne, chantait à Covent Garden à Londres avec Jean de Reszke en 1894. Elle habitait le Savoy Hôtel près de Covent Garden, époque où je dirigeais les cuisines de cet important établissement. Un soir où l'on donnait Lohengrin, Madame Melba m'offrit deux fauteuils d'orchestre. On sait que, dans cet Opéra, il apparaît un cygne. Madame Melba, donnait le lendemain soir un petit souper à quelques intimes dont Monseigneur le Duc d'Orléans était parmi les convives. Et pour lui montrer que j'avais agréablement profité des fauteuils qu'elle m'a gracieusement offerts, je fis tailler dans un bloc de glace un superbe cygne et, entre les deux ailes [je mis] une timbale en argent. Je couvris le fond de la timbale de glace à la vanille et sur ce lit de fine glace, je disposai des pêches à chair blanche et tendre […] pochées pendant quelques minutes dans un sirop à la vanille et refroidies. Une purée de framboises fraîches couvrait complètement les pêches. Un léger voile en sucre filé [recouvrait] les pêches".