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Du Bruit Côté Cuisine
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13 février 2019

Du Bandol, de l'ail et Mozart... Les armes de Jim Harrison "contre la nuit de l'âme"

9782081396142(D.R.)

"Dès que la vie fait mine de m'écraser, je sais que je peux faire confiance au Bandol, à l'ail et à Mozart". De l'auteur américain Jim Harrison, les lecteurs français connaissaient déjà l'appétit vorace pour la table, les vins fins et les autres plaisirs terrestres qui irriguent son œuvre, depuis Delva et Légendes d'automne jusqu'au Vieux saltimbanque.

Plus de deux ans après sa mort en mars 2016, Les Editions Flammarion ont publié Un sacré gueuleton, un recueil d'articles écrits tout au long de sa vie et célébrant la rage de Manger, boire et vivre (c'est le sous-titre de cet ouvrage) de cet écrivain emblématique du courant littéraire américain "nature writing".

numérisation0002(Photo Amy Hundley)

Depuis Les Aventures d'un gourmand vagabond publié en 2001, on le savait amoureux des femmes, de la nature, de la pêche, de la chasse, de ses chiens, passionné par la France, sa littérature, ses vins, la ville de Collioure et la comédienne Jeanne Moreau.

On le (re)découvre ici obsédé par le poète espagnol Antonio Machado, âme iconoclaste cherchant la spiritualité dans la bonne chère et le vin et proposant au christianisme d'offrir un "généreux verre de vin français à la communion", ce qui permettrait de transformer les églises en "lieux autrement plus joyeux, et partant, plus spirituels", gourmet enragé contre l’affadissement du goût et la nourriture industrielle dans son pays mais aussi contre la cuisine-minceur, "une fumisterie encore pire que la psychiatrie", corps usé condamné à deux heures de marche quotidienne pour éliminer les conséquences délétères de l'abus d'alcool, de tabac, de nourriture ... et incurable pessimiste n'ayant trouvé que la bonne bouffe comme "arme salutaire pour lutter contre la vie pourrie que nous menons".

numérisation0009numérisation0007numérisation0005(Photo Don J. Usner, Philip Newton)

Peaufinant au fil des ans une image contrastée d'ogre misanthrope aux mille excès et d'esthète-baroudeur des grands espaces, Big Jim n'hésite pas à règler leurs comptes à ceux qui ne l'aiment pas (et ceux qu'il n'aime pas !) et à remettre les pendules à l'heure pour tout ce qui lui tient vraiment à coeur. Et c'est un régal !

Fustigeant les critiques français qui "se moquent des Américains snobs entichés de grands crus", ce grand mais affuté buveur ramène le goût du vin à ce qu'il ne devrait jamais cesser d'être: un enthousiasmant plaisir à partager seul ou à plusieurs, et non un cérémonial coïncé entre experts auto-proclamés et béotiens fortunés.

numérisation0006(Photo Jurg Ramseier)

Avec une mauvaise foi parfaitement assumée (n'est-ce pas ce même Jim qui, s'il dit ne pas être fan des vins blancs, se déclare tout de même très épris de Silex, Montrachet et Meursault, des nectars qui ne figurent pas parmi les moins côtés du paysage oenologique hexagonal....), Jim nous raconte comment on peut en France goûter des vins "accompagnés d'un excellent plateau de charcuterie, posés sur une table ou perchés (...) sur un tonneau, parmi les rires et un joyeux badinage, sans jamais avoir l'impression (de décider) du sort des nations". Une féroce remise en cause de l'activité de critique que Big Jim s'empresse de transposer, au mot près, à l'univers de l'édition littéraire...

numérisation0008(Photo Famille Harrison)

L'un des clous de ce recueil est un hallucinant repas d'anthologie composé de 37 plats, organisé avec son ami l'écrivain et bibliographe Gérard Oberlé chez le Chef Marc Meneau -du Restaurant L'Espérance à Vézelay. Un défi aux capacités de résistance de l'estomac humain autant qu'une "oeuvre gastronomico-littéraire" imaginée à partir de 17 manuels de cuisine publiés entre 1654 et 1823 et d'une sélection de recettes d'anthologie héritées de grands cuisiniers et d'essayistes gastronomiques européens: Massialot, Brillat-Savarin, Grimod de la Reynière, Carême....

téléchargementBenoit Lindermarc meneauGérard Oberlé (Photo Benoit Linder) et Marc Meneau (D.R)

L'énumération des plats donne le tournis, ce qui amuse visiblement Big Jim: Crème veloutée de pigeonneau au concombre, servie avec des beignets de coq, Huitres et crème de camembert sur toasts, Tarte de cervelle de veau aux pois cassés, Omelette aux oursins, Barbue glacée au four et crème de fenouil, Terrine chaude de lièvre aux pruneaux,  Canapé d'oeufs pochés dans la Chimay, Mille-feuilles de sardines et de poireaux, Pigeonneau gris de La Varenne, désossé, farci d'échalotes, de ris de veau et de foies de pigeonneau et rôti à la broche, etc... Le tout servi avec 13 vins -dont les préférés de Jim-: Chablis Les Clos, Montrachet 1989, Volnay Champans,  Château Latour 1989, Côte Rôtie. Comme il le dit lui-même : "Ce n'était guère le moment pour réfléchir aux valeurs éternelles".

Si vous le croisez un jour au paradis ou en enfer, ne lui proposez surtout pas de boire un verre de blanc après la tombée de la nuit. Pour Jim Harrison, "seul le rouge sied à l'obscurité" et permet de "lutter contre la nuit de l'âme".

Un sacré gueuleton, Manger, Boire et Vivre, Jim Harrison, Editions Flammarion

 

 

 

 

 

 

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