Cuisine et gastronomie en Ombrie, "coeur vert de l'Italie"
Chef Gianfranco Vissani (Photo Il Tempo)
A l'occasion de la Semaine de la cuisine italienne dans le monde, l'Institut culturel italien de Paris organise, le jeudi 22 novembre 2018 à 19h, un débat sur la cuisine et la gastronomie de l'une des régions les moins connues de la Péninsule: l'Ombrie.
Entre Toscane, Latium et Marches, cette région qui passe pour "le cœur vert du pays" est appréciée pour ses villages médiévaux perchés sur des collines, ses sites historiques (Pérouse, Assise, Spoleto, Orvieto...), ses forêts denses et sa cuisine locale, réputée pour savoir transformer des ingrédients dits pauvres en mets à haute valeur gastronomique.
(Photo Umbria24, , Academia.eu, Gambero Rosso)
La table ronde du 22 novembre réunira des invités d’exception : Gianfranco Vissani, l’un des grands chefs étoilés les plus célèbres d’Italie, critique gastronomique, présentateur de télévision, auteur de livres de cuisine, Alberto Capatti, historien de l’alimentation et de la cuisine, professeur d'histoire de la civilisation française à l'université de Pavie, président de la Fondazione Gualtiero Marchesi de Milan, et Teresa Severini Zaganelli, l’une des premières femmes œnologues (dans l’entreprise familiale, l'une des caves les plus réputées d’Italie), conseillère de la Fondazione Lungarotti de Pérouse dédiée à la valorisation de la culture de l’huile et du vin.
L’événement est organisé en collaboration avec Lorenzo Kihlgren Grandi, enseignant en Culinary Diplomacy à Sciences Po Paris et à l’Université des sciences gastronomiques de Pollenzo en Italie, qui animera le débat.
Les deux piliers de la tradition gastronomique ombrienne sont le vin et l’huile d’olive, dont on note déjà la présence dans l'Antiquité, chez les Ombres et les Etrusques. Les terrains et les climats très variés de l'Ombrie ont permis la culture de vignobles prestigieux, dont certains à base de cépages autochtones. On compte ainsi treize vins DOC (équivalents des AOC françaises) et deux DOCG (sorte de super-AOC). Les fleurons de la tradition régionale millénaire sont le Torgiano Rosso Riserva DOCG et le Sagrantino DOCG de Montefalco, en vin doux ou sec.
Deuxième pilier de la gastronomie ombrienne, l’huile d’olive d’Ombrie qui présente une qualité élevée peut-être sans égale en Italie, vraisemblablement grâce aux conditions climatiques et géographiques particulières dont bénéficient les collines aux pieds des Apennins. L’Ombrie est la première région d’Italie à avoir obtenu en 1997 le label DOP pour l’ensemble de son territoire, réparti en cinq zones de production: Colli di Assisi et Spolète, Colli Martani, Colli Amerini, Colli del Trasimène et Colli Orvietani. Pressées à froid et la plupart du temps mélangées, elles produisent des huiles fruitées et relevées d’un vert intense, qui constituent un ingrédient fondamental de la cuisine traditionnelle et complètent un nombre infini de plats, viandes comprises.
Quant à la cuisine ombrienne, simple, naturelle, profondément liée aux saveurs de la terre, elle est aussi capable de se réinventer continuellement, les méthodes de préparation, les ingrédients et les arômes changeant de village en village.
A déguster parmi les "primi": les umbricelli, pâtes préparées avec de l’eau et de la farine et servies avec de la sauce tomate, les stringozzi (ou strangozzi), servis avec une sauce à l’oie ou avec des asperges des bois, les tagliatelles étirées à la main, l’imbrecciata (soupe de légumes secs et de céréales), le risotto aux asperges ou aux lupari, les cardes à la mode de Pérouse, la soupe de pois chiches et de châtaignes du côté d’Orvieto, les ciriole assaisonnées à l’ail, au piment et à l’huile d’olive.
Les viandes servies en Ombrie sont toutes issues de la région: la tête d’agneau au four, le jeune taureau à la mode de Pérouse, la fressure de lièvre avec la crescia, le sanglier, le chevreau (dans la Valnerina), l’oie rôtie, le canard farci, le gibier, le pigeon alla ghiotta d’Assise, l’agneau, la "poule ivre" d’Orvieto cuite dans le célèbre vin local. Les viandes de bœuf en particulier sont très renommées : la qualité est garantie par le label Vitellone Bianco dell’Appennino Centrale (décerné par l’Indication Géographique Protégée), qui unifie cinq races, Chianina (une viande très tendre et très peu grasse, élevée dans la région depuis 2 millénaires), Marchigiana, Romagnola, Maremmana et Podolica tout en établissant des normes très strictes sur les méthodes d’élevage, d’abattage et de distribution.
Le maître absolu de la cuisine traditionnelle en Ombrie est le porc, autour duquel est née une véritable culture. Cuit dans un four à bois ou à la broche, aromatisé aux herbes, au fenouil et à l’ail, il donne la porchetta, répandue également dans le Latium, même si l’on considère que ses origines sont véritablement ombriennes. Pour la préparer, on choisit un mâle de race blanche sélectionnée, jeune et maigre, dans les 40 kilos. Une fois vidé et lavé de ses entrailles, il est aromatisé avec des herbes, du sel, du poivre noir, de l’ail et du fenouil sauvage, puis farci avec un hachis de ses mêmes entrailles, avant d’être cuit à la broche.
A Norcia et dans la Valnerina, la préparation du porc est un art qui se transmet depuis des siècles (les charcutiers sont d’ailleurs appelés les norcini ), atteignant des niveaux d’excellence exceptionnels : le jambon de Norcia fait partie des plus grands jambons italiens. Relevé mais non salé, sa forme triangulaire particulière est le fruit d’un processus de préparation d’au moins deux ans. A côté du jambon, les maîtres charcutiers de Norcia produisent d’autres spécialités telles que la corallina, les mazzafegati, la mortadelle, les saucisses et le capocollo, utilisant encore aujourd’hui les techniques et les rythmes dictés par la tradition.
Côté poissons d'eau douce, la cuisine séculaire du lac Trasimène offre des spécialités telles que la carpe reine in porchetta, le tegamaccio (un ragoût de poisson), la perche frite ou avec des pâtes, le brochet (dont les œufs accompagnent les spaghettis) et le cabot. On pêche dans le lac deux types d’anguilles, la boccona et la martica, plus recherchée et généralement préparée a brustico, c’est-à-dire sur la braise des joncs qui poussent sur les rives. Le long de la rivière Nera, on déguste la truite (en papillote, à la truffe), et autour des sources du Clitumne, les écrevisses.
La cuisine ombrienne est riche en végétaux domestiques peu utilisés dans d'autres traditions culinaires, en particulier des légumes sauvages et des herbes des champs: pimprenelle, bieta selvatica, erba bruscia (petite bruyère), camettole, porcacchia, caccialepre, lupari, erba del becco, grespigni, asperges, clématites des haies, srigoli et champignons. Certaines spécialités sont d’ailleurs très rares, voire uniques comme le souligne Slow Food : fagiolina du Trasimène, roveja de Cascia, céleri noir de Trevi, demi-foix de la Haute Vallée du Tibre, Fava cottora de l’Amerino.
Autres produits emblématiques de la région: le haricot de Cave de Foligno (on ne peut le déguster que pendant la Fête qui lui est consacrée), les oignons de Cannara, les pommes de terre rouges de Colfiorito, les cicerchie (sortes de lentilles au goût très relevé), l’épeautre de Monteleone et de Spolète, les lentilles IGP de Castelluccio di Norcia, le safran de Cascia et de Città della Pieve.
Sans oublier la truffe abondante en Ombrie: la variété blanche très recherchée (Tuber Magnatum Pico), la variété noire de Norcia ou de Spolète (Tuber Melanosporum Vittandini), et les variétés moins nobles comme le scorzone, qui pousse en été, et le bianchetto. En Ombrie, la truffe accompagne aussi bien les pâtes, que la viande, les œufs, les volailles, le poisson, les fromages et l’huile d’olive.
En Ombrie, le pain est cuit selon une grande variété de pâtes et de formes, souvent liées à des occasions particulières: la ruota umbra, le pain frit (brustengo) qui accompagne la joue de porc, le pain de Terni, sans sel et croustillant, le pan caciato, le pan nociato et toutes ses variantes. A ne pas manquer, la torta al testo (une pâte à base d’eau, de farine, de sel et parfois de levure, cuite sur le testo, une pierre plate brûlante, puis farcie), la pizza de Pâques, une tarte au fromage d’origine paysanne.
Pour terminer, les desserts : le torcolo di San Costanzo (une couronne en pâte à pain avec de l’huile d’olive, du cèdre confit, des raisins secs, des pignons de pin et de l’anis), les strufoli (pâte frite avec du miel ou de l’alchermes), le torciglione, les maccheroni aux noix (typiques de la veille de Noël), les tozzetti du pêcheur, les fèves des morts, la rocciata, le panpepato, la crescionda, le pampolenta, les cicale, les lumachelle et la ciaramicola, typique des jours de Pâques à Pérouse (Source: Umbria Tourism)
Institut italien de la culture à Paris