La cuisine des cabanons de Provence, entre rascasse à la sétoise et daube de la Cité des Papes
Véritable institution en Provence (bien qu'ayant failli disparaître du paysage provençal pendant le 20ème siècle...), les cabanoun sont d'anciens abris de fortune, des petites cahutes situées sur le littoral méditerranéen et dans l'arrière pays, au milieu des garrigues, des vignes et des champs. Entre les souvenirs d'enfance de Pagnol revisités par Yves Robert et les vieux quartiers de Marseille évoqués par Robert Guédiguian, ces lieux hors du temps incarnent l'art de vivre d'une Provence populaire et éternelle, bercée par le chant des cigales et revigorée par les senteurs de sardines grillées, de soupe de poisson, de côtelettes aux sarments de vigne, d'aïoli et de gardianne de taureau.
(Photos Charlottess, Michel Delli, Koen_photos)
Fin connaisseur du terroir et des traditions culinaires de la région, (et lui-même cuisinier-restaurateur), Robert Monetti fait revivre ces petites constructions faites de matériaux de récupération qui servaient de remise aux vignerons et aux pêcheurs, de refuge aux bergers surpris par l'orage ou d'abri pour les chasseurs, et qui, en fonction des lieux et de leur usage, s'appelaient bori, casello, agachoun, sousto ou jas...
Délaissées à la fin du 19ème siècle, elles sont peu à peu devenues des lieux de villégiature où les familles des classes populaires venaient passer la nuit du samedi et la journée du dimanche, loin du bruit et de la chaleur de la ville, et y faisaient "ribote" avec, en guise de table, un vieux volet posé sur des tréteaux de bois et, faisant office de bancs, deux madriers récupérés sur un chantier et calés sur des queroun (petits blocs de pierre)...
Dans ce très joli livre, Robert Monetti a sélectionné 90 recettes puisées dans le vivier de la cuisine provençale authentique avec d'un côté, la mer et ses trésors, et de l'autre, les richesses des potagers et de la garrigue de l'arrière-pays.
(Photos Mwanasimba et Camille Oger)
Au menu du cabanon, ce sera donc, pour les uns, brochettes de moules, soupe de favouilles (petits crabes), oursinade de la Côte Bleue, petite friture de La Ciotat, Aïgo Sau de merlan à la martégale, rougets marinés, rôti de baudroie à la tapenade, filet de rascasse à la crémoussade de favouilles, supions en sauce rousse, escabéchade de filets de maquereaux, bourride de seiches ou papillotes de rougets de roche à la sétoise, sardines ou encornets farcis, daube de pouprions (petits poulpes) au bandol rouge, moules à la toulonnaise... Pour les autres, gratin de courge musquée à la tomme de Banon, fricassée de chevreau, lapin à la provençale, soupe à l'ail, foie de veau des moissonneurs, délices de fleurs de courgettes, daube de la Cité des Papes, tian à la comtadine, poulet du dimanche à la bastidane... Et pour tous, brousse de brebis aux fines herbes, bûchettes de chèvre à l'huile, pan coudoun (pain au coing), pêches de vigne à la crème de vin doux ou chichi fregi marseillais.
La cuisine du cabanon, Robert Monetti et Eléonore Gauthier, Editions Ouest-France