Cuisine d'Iran, mémoire vivante des exilés

(Photos Aline Princet)

"Une bouchée de riz safrané, le parfum d'un ragoût de grenade et de noix, l'acidité d'un citron vert séché..." Pour la photographe Aline Princet, au delà des souvenirs sensoriels, ces saveurs sont des clés qui "ouvrent la réminiscence, ramènent au pays perdu, racontent l'Iran".

Cette "mémoire vivante" que chaque exilé porte en soi, la cheffe Maryam Montazam, la connait bien. Originaire de Téhéran, elle a ouvert en 2006 à Clichy le restaurant Carpe Diem où elle pratique pour ses clients cette "langue affective, cet art de vivre, une forme de résistance douce et quotidienne" qui fait que "que l'on vive à Téhéran, à Paris, à Toronto ou à Sydney, on se comprend quand on parle de fesenjan, de ghormeh sabzi, ou du parfum du riz au safran un jour de fête". 

Clé pour comprendre l'âme perse, forte d'une mosaïque d'ethnies et d'identités au carrefour de plusieurs civilisations, les traditions culinaires de l'Iran sont porteuses de vertus nourricières, mais aussi médicinales, esthétiques et symboliques. On y retrouve par exemple les herbes aromatiques zoroastriennes, les plats sucrés-salés du Levant comme les cuissons lentes venues d''Asie centrale.

Dans Goûts d'Iran, publié en octobre 2025 aux Editions Mango, Maryam  Montazam a choisi 60 recettes iraniennes parmi les plus authentiques du pays qu'elle décrypte en évoquant des ambiances de sa vie passée,  en attribuant aux différentes ethnies (Kurdes, Arabes, Perses, Balotches...) leurs particularismes culinaires et en donnant la parole à des personnalités d’origine iranienne des arts et du sport dont elle trace le portrait gourmand: la chroniqueuse radio-TV Sarah Doraghi, une figure du tennis mondial, Mansour Bahrami, la danseuse-chorégraphe Sarah Dehghan, la scénariste et réalisatrice Négar Djavaddi, le boxeur et entraineur sportif Mayar Monshipour Kerrmani, l'auteure et metteuse en scène Aïda Asgharzadeh.

Yaourt au concombre et herbes fraîches, Soupe aux produits laitiers fermentés, Galette aux herbes du Nouvel An iranien, Poivrons ou aubergines farcis à la viande, au riz et aux épices, Ghormeh sabzi (le "roi des ragoûts"), Chelo kabab qui associe du riz basmati vapeur à des brochettes de viande grillée (considéré comme le plat national iranien, il est le plat le plus servi dans les restaurants iraniens en Iran et à l'étranger), Poulet mijoté aux pruneaux, Albaloo polo (riz à la viande et aux cerises griottes), Crème de riz au safran, Granité aux vermicelles et à l'eau de rose...

Un beau livre sensible, hommage discret à ce peuple qui, en dépit de l'oppression et malgré les interdits, continue de rire, de danser et de célébrer ses traditions. Comme le dit la photographe Aline Princet, "la cuisine est aussi une résistance douce: elle contourne l'obscurantisme, préserve l'identité, redonne l'espoir".

Goûts d'Iran, Maryam Montazam, Aline Princet (photos), Mango Editions