Tête de veau, Un plat universel érigé en mythe national
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(Photo Catherine Thenes, Rungis)
C'était il y a deux siècles au pire l'un des "épouvantails des femmes et des enfants" selon le philosophe Charles Fourier, au mieux selon le cuisinier Cardelli un mets réservé aux "déjeuners de garçon". Sujet d'effroi et de dégoût pour beaucoup, la tête de veau est encore aujourd'hui objet de fantasmes contradictoires.
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Dans l’imaginaire collectif, cette figure de proue des morceaux tripiers symbolise tantôt la France des faubourgs, des restos routiers, des nappes à carreaux et des petits vins du patron, tantôt la France d'une ruralité rêvée que l'on imaginait incarnée par Jacques Chirac dont il fut dit longtemps -à la faveur d'un quiproquo- que c'était son plat préféré.
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(Photo Catherine Thenes, Rungis)
Derrière les lieux communs et des idées reçues rattachés à cet abat blanc, se cache en fait un authentique lieu de mémoire, explique l'historien Pierre Michon. Dans l'ouvrage Petite histoire de la Tête de veau, qu'il a publié en avril 2025 aux Editions Tallandier, l'auteur -qui exerce le très sérieux métier de rédacteur des débats du Sénat- décrit avec force détails, humour et gourmandise comment "une nourriture presque universelle" a réussi le tour de force de se sublimer en emblème de notre pays et mythe national.
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(Photo D.R.)
Servie à la table des rois, dévorée par les républicains lors des banquets du 21 janvier, maintes fois convoquée par les hommes politiques et même croquée par les surréalistes, cette triperie culinaire (que la boucherie catalogue comme le cinquième quartier) est, à sa façon, le dépositaire de notre histoire nationale. Tragique et impertinente, solennelle et baroque, hexagonale et universelle.
Caricature de Louis XVI, La fuite à Varennes (Source Gallica-BNF)
Une magistrale preuve de plus que ce que nous mettons dans nos assiettes en dit beaucoup sur notre histoire politique et sociale.
Petite histoire de la Tête de veau, Pierre Michon, Editions Tallandier