Blackport, La série TV islandaise qui donne vie et chair à l'industrie de la pêche

(Photos Asgeir Helgi Thrastarson)

"Ici, nous mangeons du poisson et nous pensons poisson". Dans une île où presque tout est importé sauf ce qui vient de la mer, la série Blackport, coproduite par Arte France, met en évidence l’importance de la pêche dans la culture de l'Islande à travers une histoire peu connue, y compris des Islandais eux-mêmes: comment la mer et ses richesses, trésor national pour un pays qui, pendant longtemps, n’a vécu que de l’industrie de la pêche, sont devenues la propriété d’une minorité de privilégiés.

Islande, années 1980. Une bande d’amis se lance dans l’aventure de la pêche industrielle et se compromet à la faveur des changements politiques du pays. Entre saga sociale et comédie noire, cette série explosive se déroule sur neuf ans, de 1982 à 1991, avec pour toile de fond les événements marquants de la décennie, depuis le sommet de Reykjavik qui vit se rencontrer Ronald Reagan et Mickaël Gorbatchev jusqu'à la légalisation de la bière le 1er mars 1989, en passant par l’apparition de la culture punk. 

Dès sa diffusion en Islande en 2021, Blackport y est devenu un phénomène, raconte Jonathan Lennuyeux-Comnene dans Arte Magazine. "Même les jeunes générations s’y sont intéressées. Quand le dernier épisode a été diffusé, il n’y avait pas un chat dans les rues de Reykjavik. Tout le monde était devant son écran. La série était devenue un rendez-vous collectif, comme les feuilletons d’autrefois. On en a parlé jusque dans l’enceinte du Parlement. Il y a maintenant des fêtes, des  concerts Blackport… Et Harpa, l’héroïne, est désormais une référence dans le langage courant !"

Les eaux islandaises sont parmi les plus poissonneuses du monde, et la pêche a toujours constitué pour ce petit pays de moins de 400.000 habitants une source de revenus incontournable. Ces dernières décennies, cette industrie considérablement modernisée pour améliorer ses performances et exploiter les ressources de manière durable est devenue un modèle mondial. En 1984, pour mettre fin à la pêche effrénée, car ouverte à tous, qui menaçait d’épuiser les stocks de poissons, le gouvernement islandais a mis en place un système de quotas, allouant à chaque bateau une quantité maximale autorisée. Mais ces règles ont évolué au fil de la décennie, autorisant les pêcheurs à louer leurs quotas, à les vendre ou à les transmettre à leurs héritiers.

En totale contradiction avec l’esprit premier de la loi (qui faisait de la pêche un bien commun), l’État islandais a ainsi ouvert la voie à une libéralisation sauvage du secteur et  a favorisé la concentration des ressources entre les mains des entrepreneurs les plus puissants, barons de la pêche régnant en maîtres sur l’industrie. C'est cette histoire que l’Islande avait à peu près oubliée jusqu'ici, que Blackport retrace en détail à travers les aventures d'une bande d’amis partagés entre leurs bonnes intentions et leur soif de richesse. 

"Nous ne pouvions pas nous contenter de parler des mécanismes des quotas de pêche en Islande, raconte Björn Hlynur Haraldsson, l'un des créateurs-interprêtes de Blackport. Il fallait injecter de l’humanité dans cette histoire. C’est dans le foyer des pêcheurs et des ouvriers, un lieu où se déroulent de nombreuses scènes de la série que nous avons trouvé le ton explosif que nous cherchions". Dans sa version d'origine, la série est en effet intitulée Verbudin, ce qui signifie le refuge en islandais.

Une série créée et interprêtée par Gïsli Örn Gardarsson, Björn Hlynur Haraldsson, Nina Dögg Filippusdottir, à voir sur Arte, les jeudis 23 et 30 mars 2023 à 20h55 ou en replay sur arte.tv du 16 mars au 28 mai 1923.

Série Blackport (Islande-France), Arte France