Paris 1867, Le restaurant nouveau lieu de plaisir et de liberté

Journal L'Illustration 1881

A Paris, à partir du milieu du 19ème siècle, apparait un nouveau lieu de sociabilité et de liberté, le restaurant qui va représenter "tout ce que le siècle de la science et des technologies propose en termes de progrès et de nouveaux comportements".

Dessert Antonin Carème

Avec 24 heures de la vie d'un restaurant. Paris, 1867, publié en octobre 2022 aux Editions P.U.F., David Michon fait revivre le Paris moderne, façonné par les gigantesques travaux du Baron Haussmann avec ses boulevards éclairés au gaz, résonnant du fracas des sabots de 50.000 chevaux transportant voyageurs et marchandises et de l'activité des pavillons des Halles, faisant assaut d'élégance aux portes de l'Opéra Garnier flambant neuf, se faisant beau pour accueillir le flot des visiteurs de l'Exposition universelle...

Rue Vieille du Temple, Thomas Shutter

Le succès des nouveaux lieux d'échanges et de plaisirs que sont les restaurants est liée en partie "à la part plus grande du temps libre. Et du temps disponible pour chacun": une table, une place, une assiette et une serviette, des plats choisis sur une feuille de papier encadrée, une note ou carte payante". Là se vont désormais se croiser bourgeois d'affaires, politiciens, écrivains, artistes, danseuses, comédiennes et demi-mondaines, se jouer le destin de grandes entreprises et des industries montantes, se propager les rumeurs, se faire et se défaire les alliances financières ou politiques, les carrières et les réputations.

Daumier, 1868

Avec l'arrivée à Paris de cargaisons de viandes, fruits et légumes, vins exploités dans les terroirs régionaux et outre-mer et la professionnalisation du métier de restaurateur (le cuisinier, devenu Chef, s'étant complètement affranchi des habitudes anciennes liées au seul service de l'aristocratie), la recherche du plaisir de (bien) manger se répand dans la capitale et la gastronomie commence à entamer sa mue vers une -certaine- démocratisation. Si les élites sont toujours aussi friandes de mets de goût et d'apparât qu'elles réclament dans les plus huppés de ces établissements, de nouveaux clients s'y précipitent pour accèder eux aussi à toutes ces bonnes choses dont la noblesse était jusqu'alors la seule à profiter.

(D.R.)

Mais cette évolution des comportements individuels n'est pas incompatible avec le sens du collectif, explique David Michon. "Le plaisir personnel se partage, car on raconte ce que l'on voit et déguste, on s'affiche. On assiste à un sacre de l'individu en contexte public. Le restaurant est un lieu de prestige, entre goût de l'autre et entre-soi".

Industrialisation, stabilité politique, salubrité, propreté, effervescence littéraire et artistique... Les marqueurs du nouveau Paris sont en place, l'art culinaire a tout loisir de s'épanouir pour satisfaire la soif de plaisir et de modernité des Parisiens. La Ville Lumière, ses cafés, ses restaurants, ses salles de spectacles entrent de plain-pied dans le 20ème siècle.

24 heures de la vie d'un restaurant. Paris, 1867. David Michon, Editions P.U.F.