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Du Bruit Côté Cuisine
12 novembre 2021

Antonin Carême, Le premier des Chefs

Gouffé-planche-1024x683 Gouffé

A l'instar d'un Bonaparte ou du héros stendhalien Julien Sorel, Antonin Carême est l'archétype d'une fulgurante ascension sociale dans le premier tiers du 19ème siècle fertile en bouleversements politico-sociaux. "Moins de quinze années séparent le jeune garçon analphabète et chétif, abandonné par un père trop pauvre pour le nourrir, du pâtissier en vogue, ayant pignon sur rue, régalant le Tout-Paris de ses exquis croquembouches aux couleurs vives et aux formes architecturales les plus extravagantes. Et moins de cinq ans seront ensuite nécessaires pour hisser le jeune pâtissier pittoresque au sommet de l'art culinaire international et le métamorphoser en chef adulé des plus grandes cours d'Europe".

220px-Talleyrand_01 valencayLe-premier-des-chefsAVT_Marie-Antonin-Careme_618Talleyrand et Carême

A celui qui fut le premier chef de l'histoire de la cuisine française, l'un des premiers cuisiniers à se tailler une renommée internationale et l'un des plus grands cuisiniers et pâtissiers de l'histoire européenne, Marie-Pierre Rey -professeur d'histoire russe et soviétique à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne- consacre une passionnante biographie publiée en octobre 2021 aux Editions Flammarion. 

valencayPhoto Château de Valençay

Né en 1784 dans une famille très pauvre, entré à 16 ans comme apprenti chez Bailly, l'un des plus grands pâtissiers de Paris, ce génial autodidacte (il passait une partie de son temps libre à la Bibliothèque Nationale...) se fit très vite remarquer par le ministre Talleyrand qui en fit son cuisinier dans son Château de Valençay et lui ouvrit les portes de la haute société de l'époque en France comme dans le reste de l'Europe. Spectateur attentif puis protagoniste privilégié de la diplomatie de la table pratiquée par Talleyrand, Carême sut ainsi bénéficier du nouveau rapport que le Consulat et le pouvoir napoléonien souhaitaient entretenir avec la cuisine, y voyant "un outil d'influence majeur"

 © The Trustees of the British Museum (2)Caricature du Régent à table (British Museum)

Pour Antonin Carême, la cuisine était un art qui n'avait rien à envier aux autres disciplines comme l'architecture, la sculpture, les sciences naturelles et physiques dans lesquelles il trouvait d'ailleurs volontiers l'inspiration pour ses ingénieuses créations...

C'est à ce travailleur acharné que l'on doit le concept français de haute gastronomie et l'invention du style grandiose -à base de pièces montées et de constructions sophistiquées utilisées comme centres de table-, qui fit fureur aussi bien dans les cours royales européennes que chez le Tout Paris.  

c03441a7ad71e7b6aab6ed7bcd2b91131978729_645074308894608_301318714_nAntonin_Careme_DessertSuedois_01(Gallica, BNF)

Connu comme le roi des chefs et le chef des rois, Carême servit chez de nombreuses têtes couronnées, du prince héritier d’Angleterre au Tsar de toutes les Russies en passant par le baron James de Rothschild qu'il initia ainsi à sa vision de la haute cuisine et -fin diplomate- n'hésita pas à dédicacer ses plats-vedette aux people de son siècle: Esturgeon à la Napoléon, Soufflé Rothschild, Potage Victor Hugo, Echine de porc à la Parmentier.

Maître-queux hors pair, Carême fut aussi "capable de réfléchir sur la démarche culinaire en l'inscrivant, plus d'un siècle avant Claude Levi-Strauss et Jean-Louis Flandrin, dans une réalité culturelle et sociale", explique Marie-Pierre Rey. Précurseur visionnaire, Carême a posé les bases de la gastronomie moderne en définissant par exemple les règles d'hygiène en cuisine, en allègeant les plats trop riches, en respectant de la saisonnalité des produits, en codifiant les recettes et en intégrant à sa pratique nombre d'ingrédients, tours de main et savoir-faire venus de l'étranger.

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Touche-à-tout de génie, Carême a également dessiné des services de vaisselle, des cuisines, des vêtements de cuisinier pratiques et inventé le signe distinctif du cuisinier, la toque blanche en forme de colonne corinthienne. Ses livres de recettes -véritables best-sellers de l'édition comme par exemple L'Art de la cuisine française au 19ème siècle- traduisent sa volonté de transmission et "reflètent la minutie scientifique qui fut la sienne à chacune ses préparations culinaires".

Autre trait notable de sa personnalité, Carême s'engagea au service de la profession de cuisinier, auquel il s'efforça de garantir statut et dignité. Sans doute, celui que l'on appelait le cuisiner des rois avait-il compris que, pour le grand seigneur de l'Ancien Régime qu'était Talleyrand (qui avait pourtant contribué à sa réussite), il serait toujours resté, en dépit de sa virtuosité, "un domestique, un serviteur de condition inférieure".

Les plus gourmands des lecteurs n'hésiteront pas à tester l'une des 100 recettes de Carême détaillées dans ce bel ouvrage historique qui rend un vibrant hommage aux nombreux talents de ce pionnier de l'art culinaire à la française.

Le premier des Chefs, L'exceptionnel destin d'Antonin Carême, Marie-Pierre Rey, Editions Flammarion

 

 

 

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