Les manies alimentaires des tyrans, Du pouvoir absolu aux plaisirs de la table

Film Le dictateur, Charlie Chaplin

Fidèle miroir de l'âme humaine, l'assiette raconte l'homme sous toutes les coutures et trahit son moi profond, "ses envies, ses peurs, ses failles psychologiques, sa condition sociale, son habitus de classe, son histoire personnelle et, au delà, celle de son pays".

Dans l'ouvrage qu'il publie au printemps 2021 aux Editions Flammarion, Christian Roudaut explore les manies alimentaires des tyrans, du végétarisme fantasque d’Hitler aux pièges dînatoires de Staline, de la nourriture "révolutionnaire" de Mao à l’hygiénisme de Ceausescu, des banquets impériaux de Bokassa aux dîners arrosés de Saddam.

(Keystone AP)

"La dureté avec laquelle le tyran traite ses semblables n'a d'équivalent que la douceur avec laquelle il cajole son nombril et sa bedaine", rappelle l'auteur-réalisateur qui approfondit le thème bien connu du lien entre pouvoir absolu et plaisirs de la table. Il y a quelques années, les journalistes Melissa et Victoria Clark et Melissa Scott avaient déjà raconté (Editions Gilgamesh Publishing, novembre 2014) que "Hitler et Kadhafi souffraient d'importants problèmes de digestion. Alors que le premier a préféré faire une croix sur la viande, le deuxième n'a rien changé du tout. Selon ses proches, Kadhafi ne voulait en aucun cas se passer du lait de chamelle qu'il adorait tant".

(P.A)

On savait donc déjà qu'Hitler émargeait en tête de la liste des dictateurs végétariens et adorait les asperges à la sauce hollandaise, les poivrons rouges grillés, les ragoûts de légumes… mais qu'il arrivait parfois au führer "de manger de la volaille, notamment du pigeon garni aux pistaches, aux noix et à la langue".

(Associated Press, D.R.)

Ce que nous dit aujourd'hui Christian Roudaut, au delà de ces anecdotes dinatoires, c'est que "les régimes totalitaires font saillir les traits de la bétise et de la méchanceté humaine" et que "les tyrans, comédiens hors pair, excellent dans l'art de la farce". Il analyse alors la salle à manger "comme le cadre idéal de la sanglante tragi-comédie qui se joue avec, au centre, un personnage enchainant les rôles: Falstaff un jour, ascétique et christique un autre".

(AFP Getty Images)

Au menu de la table des tyrans, c'est donc bien "l'absolutisme, la servilité, la peur, la mégalomanie, la paranoïa, l'égocentrisme et la vulgarité" qui s'affichent. Christian Roudaut nous invite à rire de leurs étranges lubies parce qu'elles ne font que souligner le grotesque et l'absurdité de ces régimes autocratiques.

Et nous nous autorisons à le suivre dans son décryptage, assurés que nous sommes que leur oeuvre sanglante, gravée dans les mémoires de leurs contemporains, laissera à jamais sa trace dans l'Histoire.

A la table des tyrans, Christian Roudaut, Editions Flammarion