Winston Churchill, Fin stratège de la "diplomatie de table"

(Photo 24Heures.ch)

Entré dans la légende du 20ème siècle pour son action politique et son rôle décisif pendant la Seconde Guerre mondiale, le Vieux Lion a (presque) tout autant marqué les esprits par ses talents d'orateur, son humour corrosif et "sa passion, assumée et sans scrupules, pour la bonne chère, les alcools raffinés et les meilleurs cigares".

Si Winston Churchill a naturellement place dans les livres d'histoire et de littérature (ses talents littéraires ont été salués par le Prix Nobel), on sait peut-être moins que le nom du petit-fils du 7ème duc de Malborough a été donné à un cigare de luxe (un double corona de 19 mm) et que les Champagnes Pol Roger lui consacrent chaque année depuis 1984 une cuvée inspirée par ses goûts en matière de vins fins.

(D.R.)

A cet aristocrate épicurien -dont le régime alimentaire, le taux de cholestérol et d'imprégnation alcoolique auraient de quoi faire frémir les nutritionnistes d'aujourd'hui-  l'historienne Catherine Heyrendt-Shermann a consacré, en novembre 2016 dans la collection Biographies gourmandes des Editions Payot § Rivages, un passionnant opus en hommage à "l'une des plus palpitantes (vies culinaires) de tous les temps" !

Né et éduqué dans une Angleterre victorienne prude et rigide mais dans laquelle "manger est un événement", Winston est un jeune homme pressé et sans complexes qui, persuadé de mourir jeune comme son père, "entreprend de croquer la vie à pleines dents".

Farouche hédoniste attaché aux plaisirs de la table, épris de la chose militaire comme du pouvoir et de la politique, ce "conservateur démocrate devenu libéral"  sait aussi donner libre cours à son humanisme en s'appliquant à "faire bénéficier les autres autant que possible" de ce que la vie réserve de bon.

(D.R., Dessin David Low)

Dans les tranchées pendant la guerre de 1914-18, il paie de sa personne en organisant des concerts et des batailles de pelochons pour divertir le bataillon écossais qu'il commande. Toujours sur la brèche et débrouillard, il améliore l'ordinaire du mess des officiers sur le front en distribuant les colis que sa femme Clémentine lui fait parvenir depuis le magasin londonien Fortnum and Mason. N'hésitant pas à afficher son goût pour les yachts, les villégiatures et les voitures de luxe, Churchill n'en contribue pas moins à mettre en place dans son pays les premières allocations chômage et le salaire minimal garanti.

Mais c'est en élevant la table au rang d'arme politique et d'outil diplomatique qu'il construira en partie sa légende. Dans son manoir de Chartwell, au sud-est de l'Angleterre, comme au 10 Downing Street (la résidence du Premier Ministre britannique),  Churchill va faire de la salle à manger un "haut-lieu gastronomique et stratégique".

Avec Roosevelt et Staline en 1943 (Photo La Libre Belgique)

Activement secondé par sa cuisinière Goergina Landemare, épouse du Chef de cuisine français du Ritz, il va faire se rencontrer autour de dîners exquis les mondes de la politique, de la finance, du spectacle, de la science et peaufiner la "diplomatie de table" qu'il déploiera tout au long de sa longue carrière politique, en particulier pendant le 2ème conflit mondial.

Soupes à la tortue, consommés de légumes, de viandes ou de poissons (surtout sans crème, l'ajout de lait dans une soupe étant une hérésie pour lui !), viandes, gibiers, caviar, vins fins et alcools forts devenant alors à ses yeux autant de pions de l'échiquier sur lequel Roosevelt, Staline et Churchill décideront du sort du monde.

Winston Churchill, Catherine Heyrendt-Shermann, Editions Payot § Rivages

Comments

[Taupe Modèle]

Post très intéressant et au-delà de ça, blog très sympathique et instructif!

Merci :-)