12 févr. 20
Londres d'avant le Brexit. Métropole multiculturelle, Melting pot culinaire
"Assis derrière le comptoir de marbre noir de son échoppe nichée au coeur de Broadway Market, Bob Cook regarde le temps s'écouler". Dans la capitale britannique, la boutique de ce traiteur aux carreaux jaunes et bleutés datant des années 1930 est l'un des derniers vestiges du véritable East End. "On y déguste des anguilles en gelée, servies avec du vinaigre de malt. A moins qu'on ne les préfère chaudes, cuites en ragoût ou qu'on opte pour les pies à la viande, servies avec de la purée de pommes de terre (mash), des petits pois et une sauce au persil".
Ce traiteur historique de Hackney, quartier excentré de Londres, est l'un des attachants portraits de Londoniens tirés par deux journalistes françaises qui connaissent la ville comme personne. Dans le Guide Londres Out of the Box publié à l'automne 2017 aux Editions Les Arènes, Sonia Delessale-Stolper, correspondante de Libération, et Hélaine Lefrançois donnent à voir et à ressentir le Londres d'avant le Brexit, cette ville qui en vingt ans "a repoussé ses limites, bien au delà de son coeur historique" et s'est réinventée autour de nouveaux quartiers: Battersea, Shoreditch, Brixton ou Chiswick...
Ville-monde où plus d'un tiers des 7,5 millions d'habitants est d'origine étrangère, Londres compte plus de 270 nationalités, résonne des accents de 300 langues différentes et vibre aux saveurs culinaires d'un incroyable multiculturalisme.
Les 1.412 adresses répertoriées par les deux jeunes femmes ont pour but de permettre aux touristes de "vivre comme les Londoniens"... mais au meilleur rapport qualité/prix, Londres étant une ville dans laquelle il est très facile d'exploser son budget ! Faire ses courses, petit-déjeuner, manger, sortir, se connecter, faire une pause au vert, s'aérer les neurones (musées connus du monde entier, salles de spectacles du West End, et espaces multiculturels), prendre soin de soi (les salons de coiffure sont légion à Londres), acheter local (chaines des high-streets, boutiques vintage, brocantes et charity shops), et quelques adresses de charme pour dormir en dehors de Londres..., c'est bien le diable si chacun ne trouve pas chaussure à son pied !
Photo Guilhem Alandry/Le Monde
Côté gastronomie, la cuisine british -longtemps décriée- a su faire oublier sa mauvaise réputation en misant sur la diversité de ses cuisiniers et des produits de leur pays d'origine. Depuis une vingtaine d'années, les Londoniens ont découvert "le plaisir de bien manger. Ils n'hésitent pas à réserver longtemps à l'avance ou à faire une heure de métro pour aller tester le dernier restaurant à ne pas manquer. La variété de ces établissements est vertigineuse".
La visite des 35 quartiers de la métropole est organisée selon une boussole "sociologique", mise au point par les Guides Out of the Box, en fonction de leur ambiance générale et leurs caractéristiques démographiques et socio-culturelles. Plongeons-nous par exemple dans le "Mixé", ces quartiers du Nord-Ouest à l'identité forgée par l'immigration et qui se caractérise aujourd'hui par un équilibre intéressant entre les nouveaux habitants et les résidents de longue date. "S'ils ne dinent pas forcément ensemble dans les restaurants végétariens apparus récemment, ils partagent l'espace public et des projets fédérateurs, comme les jardins communautaires". Les visiteurs auront le choix entre la banlieue de Ealing, la Little India Southall, les hippies chics de Kensal Rise, la populaire Kikburn (l'ancienne terre d'asile des Irlandais) ou encore Golders Green, le centre historique de la communauté juive londonienne.
Autre escapade incontournable, l'East End qualifié de "Up § comming", le plus en vue de Londres. Ce sont les anciens docks et les quartiers ouvriers métamorphosés par les Jeux Olympiques: Hackney "arty et branché", Walthamstow, où cohabitent bobos à vélo et stars du grime (le rap anglais), ou Stratford, le site olympique après réhabilitation. Des coins qui gardent leur âme malgré les premiers signes de gentrification. Selon les deux auteures, "Vous pouvez y boire un bon cocktail ou écouter un concert dans un entrepôt reconverti".
Autre choix possible, le Grand-Sud gentrifié occupé par les hipsters et les jeunes actifs, dont ceux de la City, souvent au détriment des habitants d'origine, comme Camberwell, Peckham, Dulwich, Brixton, Tooting, Battersea, Clapham, Balham ou Fulham. Malgré l'aseptisation, des quartiers où il reste agréable de se promener "au rythme des restaurants branchés et des cafés-concepts qui se ressemblent tous un peu...".
Sans oublier le Londres encore "dans son jus", autour de la Tamise (Putney, Barnes, Hammersmith, Chiswick) ou "très campagne anglaise" comme Kew, Richmond ou Wimbledon. On n'y trouve (presque pas) de bières artisanales ou de café équitable mais on y va pour "s'immerger dans un Londres plus traditionnel, populaire ou plus ethniquement marqué".
Les visiteurs les plus pressés pourront se contenter de consulter la liste des best of du Guide: des lieux qui résistent au temps comme le Ye old Cheshire Cheese, l'un des plus vieux pubs de Londres, les adresses préférées des auteures pour un Fish § Chips, un brunch, un afternooon tea, un curry ou un repas vegan, les Beer Gardens et les bars-concert pas encore trop connus des touristes, les marchés et brocantes emblématiques de la chine à la londonienne, des lieux pour se mettre au vert ou les points de vue imprenables sur la capitale.
Un guide qui donne envie de visiter Londres, de rencontrer des Londoniens et de s'immerger (tant que le Brexit n'a pas produit tous ses effets...) dans cette ville à la population la plus diversifée d'Europe et qui n'a pas hésité à confier ses clés au travailliste Sadiq Kahn, d'origine pakistanaise, musulman et fils d'un chauffeur de bus.
Londres Out of the Box, Sonia Delesalle-Stolper et Hélaine Lefrançois, Editions Les Arènes