Eloge du gras par Blandine Vié. Le beurre, l'argent du beurre... et le cul de la crémière
(Photos Domaine de Saint-Géry, D.R.)
Experte en "couenneries" et en "cochonneries en tous genres", Greta Garbure (Blandine Vié selon l'état civil) persiste et signe dans son Grand-Oeuvre de réhabilitation des matières grasses, de la nourriture roborative et des plats qui tiennent au corps, entamé il y a déjà quelques décennies.
Insensible aux sirènes des foodistas de la blogosphère et aux vertus de l'allégé (qui, selon Anne Roumanoff, n'aurait de léger que le goût, pas le prix), la prolifique auteure d'ouvrages culinaro-littéraires et co-rédactrice (avec Patrick Mari) du blog www.gretagarbure.com, a publié, en septembre 2017, une réjouissante ode au gras.
Dans 99 + une (bonnes) raisons de manger du gras, elle célèbre les textures onctueuses, soyeuses, huileuses, moelleuses, sirupeuses -qu'elles soient salées ou sucrées- qui marquent la bonne cuisine, consolident les poignées d'amour, permettent au bébé de grandir, aident le corps à affronter les frimas de l'hiver et les aléas de la vie, alimentent le fourneau de la convivialité et attisent les feux de l'amitié.
Entrelardé d'aphorismes de Bérurier, le très goinfre adjoint du Commissaire San-Antonio -dont Blandine Vié connait particulièrement bien les méandres de la pensée gourmande pour leur avoir consacré l'un de ses précédents livres San Antonio se met à table) et persillé de préceptes du médecin-chercheur à l'Inserm Jean-Marie Bourre, selon lequel l'humain ne saurait se passer de certaines graisses - à commencer par celles du lait maternel-, ce rabelaisien éloge des calories convoque pêle-mêle au Panthéon de la grassitude la tartine beurrée de Colette, le joli teint des Anglaises (du, selon la rumeur, à la vitamine A du bacon du petit-déj à l'anglo-saxonne), le saucisson et le petit vin blanc des guinguettes du côté de Nogent, "le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière", ainsi que le proverbe auvergnat attribué à l'auteur de polars Jean-Patrick Manchette: "Entre le néant et le chagrin, j'aime mieux le lard".
Entre quelques auto-citations de Blandine (puisées dans son précédent ouvrage "Cochonneries en tout genre"), le lecteur déjà affamé pourra à sa guise se déculpabiliser en choisissant ses propres (bonnes) raisons de manger du gras dans les oeuvres de Rabelais et de William Sheller, de Balzac et de Jean-Claude Van Damme (!), Jean iono et Sonia Ryckiel, Voltaire et Jean Dutourd, Maupassant et Marc Levy, Zola et Michel Audiard, Henri Jeanson, Rousseau, Helmut Kohl, Paul Eluard, Berthold Brecht, Amélie Nothomb, Philippe Bouvard, Michel Blanc, Alexandre Astier (celui de Kaamelot), Gotlib, Marie Rouannet, Jean Giono, Alain Ducasse, René Fallet, Pierre Desproges, Boris Vian, Daniel Picouly...
Louis Jouvet dans Docteur Knock (Photo Alamy Stock)
Le mot de la fin revient à la Faculté de Médecine avec un texte des Annales qui semble clôre le débat en confortant la coupable appétence des gourmands pour les bonnes choses. - Le médecin: "Dorénavant, plus d'aliments gras !" -Le patient: "Je vais vivre plus longtemps ?" - Le médecin: "Non mais le temps va vous paraître plus long".
A consommer donc avec modération (les matières grasses, pas le livre de Blandine !).
99 + une (bonnes) raisons de manger du gras, Blandine Vié, Editions Artemis