Les Cornas des frères Courbis bien servis par la Dame de Pic

Anne-Sophie Pic, alias "La Dame de Pic", dont le fief de Valence a toujours fait bonne place aux vins du Rhône depuis l'époque de Papa Pic, accueillait récemment  dans son nouveau cocon parisien de la Rue du Louvre les frères Courbis, leurs Saint Joseph et leurs Cornas. Dominique et Laurent Courbis sont les descendants d'une famille implantée dans le village de Chateaubourg, en rive droite du Rhône, depuis de nombreuses générations (les origines remonteraient à la fin du 16ème siècle). Dans ce coin de l'Ardèche, où on se sent plus lyonnais que méridional (la cuisine est au beurre, pas à l'huile d'olive...),  le tandem fraternel travaille, sur des terrains mélangés d'argile, de calcaire et de granit, 24 hectares d'appellation Saint Joseph (6 en blanc et 18 en rouge) et 8 hectares de Cornas. Le Domaine Courbis est la plus grande cave particulière en Saint Joseph, avec deux cuvées par couleur.

Pour mettre en valeur les vins Courbis, la Dame de Pic avait joliment fait les choses. En apéritif, le Saint Joseph blanc Domaines 2011 accompagnait des toasts aux cinq céréales avec un très aromatique beurre infusé à l'anis vert, ainsi que des toasts au miso et seigle tartiné de beurre au thé vert matcha pour toast. Issu de marsanne à 97 %, poussant sur des pentes plein est, ce vin (que l'on trouve au domaine à 18 euros) est vinifié à température relativement basse (17 à 20 °) en pièces bourguignonnes pendant 7 mois (de septembre à juillet). Pour le superbe Cabillaud et gnocchis aux épices douces, grenoblois aux fèves tonka, les frères Courbis avaient choisi un Saint Joseph Les Royes blanc 2010. Avec cette parcelle, à la limite de l'appellation Saint Joseph,  les frères Courbis font des vins plus complexes, plus riches, plus gras, à maturité plus élevée. Produits sur 6 ha de terrains calcaires, dans des environnements plus chauds, ils sont vendangés plus tardivement et élevés en fûts neufs pendant 12 mois. Selon les deux frères, "les 2008 ont déjà une belle ampleur, ils sont à boire maintenant"; ce vin  doit se boire dans les 5 à 6 ans ... pas plus car la marsanne a déjà un goût de miel qui risque de devenir trop présent avec le temps. Le lapin rex du Poitou au gin et genièvre était servi quant à lui avec deux cuvées Saint Joseph rouge 2010: Domaines et Les Royes.

La suite du repas était consacrée aux Cornas. Déjà réputés du temps de Charlemagne pour leur couleur et leur matière , les Cornas sont des vins rouges de belle tension (il n' y a pas de blanc dans cette appellation) qui, bien qu'à part dans le domaine Courbis, se vendent plus à l'export que les Saint Joseph. Environ 80 % de la production Cornas des Courbis est en cuvée Champelrose, assez représentative de l'appellation, à la fois marque déposée et nom d'une parcelle d'origine; les deux autres cuvées correspondent aux parcelles Les Eygtas et La Sabarotte et permettent de faire des vins qui sortent de l'ordinaire, le premier que l'on pourrait qualifier d'élégant et le second, puissant et très "typé Cornas".

Avec le Cochon de Bigorre au thé vert et feuilles de figuier de la Dame de Pic, le Champelrose 2010, de belle matière, apportait une note de pruneau et avait un bel équilibre au niveau des tanins. D'après Laurent Courbis,  les syrahs de ce Cornas assez féminin, dont le potentiel apparaitrait complètement d'ici à 1 ou 2 ans, donnent "un vin touchant, délicat, croquant". La deuxième cuvée, Les Eygats (36 euros pour le millésime 2010), provient d'une parcelle située à 300 m d'altitude, exposée à l' est, et qui est la dernière vendangée dans le Domaine (avec un écart de 15 jours de récolte par rapport aux autres parcelles). Sa fraîcheur, sa belle acidité sont  liées à son terroir en altitude, elle est élevée dans l'endroit le plus frais de la cave, sa maturité se fait doucement: "Avec un côté cerise prononcé, ses tanins sont présents mais avec douceur" et il peut vieillir entre dix et quinze ans.

Avec La Sabarotte (46 euros), on passe dans le registre des "grands vins". Cette vigne au tout petit rendement, plantée en 1945,  porte de petits raisins qui, récoltés très mûrs, donnent naturellement des vins très concentrés, à fort potentiel de veillissement, marqués par la profondeur mais aussi par la délicatesse et la finesse de leurs tanins. Pour finir, le dessert d'Anne-Sophie Pic, la poire William à la réglisse et à la violette a été dégusté avec une bouteille de La Sabarotte 2007.

Outre les maisons Pic, les vins des frères Courbis ornent d'autres très belles tables de chefs - Michel Chabran à Pont de l'Isère (26), Régis et Jacques Marcon à Saint Bonnet le Froid (43), Eric Guérin, (44), Christian Etienne à Avignon (84) ou encore Pierre Gagnaire-, ou celle du Meilleur sommelier du monde 2004  Enrico Bernardo, ... De belles références pour des vins qui font honneur à l'Ardèche et à la vallée du Rhône.

La Dame de Pic

Domaine Courbis