Des pâtes pour se réconcilier avec le monde

A la simple évocation de la phrase "Les pâtes me réconcilient avec le monde" prononcée un jour d'été en Toscane, au coeur du Chianti, Astrid Bouygues se livre, dans la dernière livraison de la revue Papilles, à une "poétique sans frontières de la pasta" et se prend à rêver "LA pâte originelle, la pâte matricielle, comme si tous les plats de pâtes consommés provenaient, depuis la nuit des âges, partout, du seul et même mélange, de la seule et même grande union (...). Dans la pasta, la pâte reste la pâte, c'est à dire le schème du matérialisme vraiment intime où la forme est évincée, effacée, dissoute, le contraire même de la géométrie. Est-ce à dire que les Italiens renient les innombrables formes infiniment complexes qu'ils se sont ingéniés à donner aux pâtes, et qui doivent tant à la géométrie ? Non bien sûr, et c'est très logiquement que, tout en mangeant la pasta au singulier, ils mangent au pluriel les formes qu'elle prend: des tortellini, des spaghetti, des fettucine ... Tout se passe en effet comme si la grande pâte matricielle était présente toute entière dans la moindre des penne, dans le plus insignifiant des fusilli. Pour un rêveur de pâtes, le plat de pâtes est tout à la fois pasta informe et formes précises, un et multiple, continu et discontinu. Et il semble bien que s'opère ici encore une espèce d'équilibre ou de conciliation sinon des forces, du moins des contraires". Très drôle et très savant. à lire par tout inconditionnel de la pasta et de la culture gourmande.

Papilles N°36, Bibliothèques gourmandes, Editions Virgile