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Du Bruit Côté Cuisine
13 février 2011

Michel Bras raconte le lait de l'Aubrac

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Ecoutons Michel Bras, cuisinier à Laguiole, parler de la place du lait dans son pays, l'Aubrac, et dans sa vie:
Le lait a été le compagnon de toute mon enfance. Si pur, si tranquille, mais plein de vitalité. Dans ce pays, si loin, voué à la désertification, c’est lui qui m’obligeait à me lever très tôt. Muni de ma cantine en fer blanc, je me rendais à l’autre bout du village dans une ferme pour chercher le lait encore tiède de la traite toute proche. Le lait était douceur, voire rassurant, aussi bien pour les enfants que pour nous. Je pense à mes enfants, tout jeunes, le nez enfoui dans ce coin de nono, de tissu reprisé à maintes reprises. Il était maculé des rejets de lait du biberon. Le relent aigrelet de lait donnait une odeur que les enfants appréciaient. Si bien qu’il fallait être fi n stratège pour pouvoir de temps en temps le leur nettoyer. Odeur – oui, sécurisante – que je retrouvais dans la souillarde de mon oncle. Le lait était rangé dans une bassine dans cette pièce humide et froide. Parfois, dans une cuvette émaillée, un lait qui avait chauffé se reposait, se détendait. Le lendemain avait lieu la précieuse cueillette de la peau de lait avec une écumoire. Le lait a été le complice de tous nos voyages. Découverte en Argentine, la dulce de leche a rejoint nos placards, puis nos cuisines. En Afghanistan, le chiryakh, lait glacé, ou le chirpira, lait confit, nous ont touché au même titre que la peau de lait de chez nous. Et que dire de toutes ces friandises qui en Inde s’offrent d’une région à l’autre avec des expressions fortes. Accompagné d’un ami, quelle chance nous avons eue de nous glisser près de Jalsaïmer dans une arrière boutique pour participer en direct à la confection des ragulla,– boules blanches sirupeuses du Rajasthan –. Tout comme, quel bonheur, de partager un lassi pour éteindre une gâterie trop épicée… Le lait est partie prenante de ma cuisine. Jeune cuisiner, j’avais une fascination pour ces mères, ma maman qui, avec un reste de nourriture, pouvait offrir des moments exceptionnels de gourmandises. Longtemps, je me suis posé des questions sur le rôle exact du cuisiner. Le temps fit son oeuvre. Que j’aime partager le quatre-quart chez mes beaux parents, dans lequel le beurre est remplacé par de la peau de lait. Suave à souhait. Un gâteau plein de douceur, une pâtisserie de mère. Le lait, tout un symbole. Plus or blanc que liquide blanc, opaque, nutritif. Plus félicité que substance alimentaire. Aujourd’hui, le lait est inscrit dans ma mémoire. Il a baigné toute mon enfance, il m’a permis de voyager, il m’a offert tant et tant de bonheur. Il ne m’a jamais trahi.

Michel Bras, Colloque "Cultures des laits du monde", 6 et 7 mai 2010. www.lemangeur-ocha.com

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